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La mode des terroirs et les produits alimentaires

19/08/2018

Claire Delfosse (dir.), 2011, Les Indes Savantes, 357 p

Claire Delfosse est Professeur de Géographie rurale et directrice du Laboratoire d’études rurales à l’Université Lyon 2. Elle a réalisé de nombreux travaux de recherche sur les fromages, la qualité agroalimentaire et le patrimoine rural. Auteure de «La France fromagère (1850-1990)" paru en 2007, elle est devenue spécialiste de la notion de terroir et des produits associés. Dans cet ouvrage collectif «La mode du terroir et les produits alimentaires», elle interroge le rapport ambigu des Français à la campagne et à l’agriculture. Le terroir est à considérer comme une composante essentielle de nos localités et un élément essentiel sur lequel doit reposer le développement durable.

 

L’importance du temps long et de la dimension affective et sensorielle dans l’éducation au terroir. «Les usages du terme soulèvent, pour la période qui court jusqu’aux années soixante, trois questionnements épistémologiques. Le premier concerne la difficulté problématique que les géographes classiques rencontrent dans leur relation au «sensible». Au «terroir», saisi dans sa morphologie, ne fait guère écho sa dimension sensorielle, et en particulier ce qui revient au goût. Certes, on trouve ponctuellement des écrits sur cette question. Ainsi, l’article que Camille Vallaux consacre à son Vendômois natal : «Point de chiffres, point de statistiques. Rien que des souvenirs de vingt ans d’enfance et de jeunesse, éclairés plus tard par de multiples réflexions et comparaisons. Je suis persuadé que pour les monographies locales, rien ne peut remplacer la lente pénétration par les yeux, par l’ouïe et par les habitudes, où, à l’aide du temps, les paysages, le climat, la végétation, les particularités linguistiques, sociales et morales s’infiltrent par une sorte d’osmose dans l’esprit et dans l’imagination, [...]»» (22-23)

 

La définition de terroir par l’Institut national de l’origine et de la qualité. «(...) l’INAO donne du terroir la définition suivante, mise au point dans le cadre d’une collaboration scientifique avec l’INRA et ayant soin de raisonner un ensemble de productions agricoles et alimentaires susceptibles d’être éligibles : «Un terroir est un espace géographique délimité, dans lequel une communauté humaine construit, au cours de son histoire, un savoir collectif de production, fondé sur un système d’interactions entre un milieu physique et biologique, et un ensemble de facteurs humains. Les itinéraires socio-techniques ainsi mis en jeu, révèlent une originalité, confèrent une typicité, et aboutissent à une réputation, pour un bien originaire de cet espace géographique.»» (46-47)

 

Les produits agricoles et alimentaires participent à la construction des terroirs et donc au sens donné aux lieux. «Les hommes construisent leur espace en le délimitant, en l’occupant, en le transformant, en le différenciant, en le désignant, «en le pensant sous toutes ses formes et dans tous ses aspects, en lui imprimant en somme une marque révélatrice de leur identité.» Les productions agricoles et alimentaires sont partie prenante de cette construction et contribuent à donner du sens aux lieux.[...] Au-delà de cette grande polymorphie, ces productions alimentaires entretiennent une relation particulière à l’espace. Leur inscription en un lieu s’assortit d’une antériorité et de pratiques collectives, fil directeur qui relie ancrage historique et relation au lieu.» (51)

 

Nécessité de faire du sol et de l’attachement à la terre des valeurs contemporaines, le fondement de la liberté et du besoin d’appartenance en même temps que des vecteurs de sensibilité et de conscience universaliste. «La globalisation, que l’on peut définir comme une accélération de la circulation des capitaux, des êtres humains, des marchandises et des idées perturbe en profondeur les repères existants, elle force en particulier à raisonner différemment la relation au local. Les auteurs de L’équivoque écologique ont souligné le lien essentiel, spécifique des sociétés marchandes et technico-scientifiques, qui unit consubstantiellement la croissance, la rationalité et la productivité à la suppression de tout support, de toute forme d’attachement au sol, d’enracinement et de sédentarité, idéologie de l’ancrage forcément en lutte contre celle du dynamisme et du progrès. Ils insistent sur la nécessité de faire du sol et de l’attachement à la terre des éléments contemporains, des fondements de la liberté et du besoin d’appartenance en même temps que des vecteurs d’une sensibilité et d’une conscience universaliste. Que peut-il en être aujourd’hui ?» (54)

 

Lien entre terroir et développement durable. «Le terroir est au final un espace de projet avec ses quatre entrées : le lieu, avec ses paysages, de rencontre entre producteurs et consommateurs pour construire ou élaborer de vrai liens produit/terroir ; l’histoire, la dimension historiographie du concept, de la réalité et de la construction du terroir ; l’identité culturelle, un savoir vivre, un patrimoine : le terroir sert de carte de visite ; la durabilité qui repose sur une rente économique, une parade à la concurrence mais aussi qui est responsabilité environnementale en mettant en avant proximité et écologisation. Ce sont là les composantes essentielles d’une société : le terroir vitivinicole, espace de production d’une ou plusieurs vins, et donc une représentation de la société qui le fait vivre. C’est pourquoi il est pour nous un terroir sociétal.» (135) «Toutefois, l’invocation du terroir, seule, ne suffit pas, le terme est forcément investi d’une pluralité de sens, ce qui lui donne une certaine opacité, un certain mystère, une certaine poésie... Ce mot n’est pas isolé, il est associé aux démarches d’appellation d’origine, à la recherche de «nature», à celle de culture, à l’impératif de la durabilité et à celui de la proximité. Il participe de la «terroirisation» de la gastronomie française. La valeur terroir n’est pas confisquée, elle est partagée entre producteurs et consommateurs, et a pour vocation de relier ville et agriculture. Elle s’imprègne des préoccupations de nos sociétés développées.» (296-297)

Santé-Goût-Terroir

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